Un dimanche - Déjeuner - Retrouvailles entre copains
Je me demande si on reproduit inconsciemment des schémas programmés de notre enfance. Je veux dire, dans notre vie d'adulte: Ce qui nous a fait rêver mômes, ce qui reste à jamais gravé en notre mémoire comme d'inoxydable moments de pur bonheur que seul l'enfance peut nous offrir, ce qui nous a fait ouvrir grand les yeux, les oreilles, les sens en général, ce qui, comme un polaroïd, nous a révélé à la vie.
Dimanche, de manière tout à fait improvisé, après le repas, nous avons disputé un match de foot, adultes contre enfants sur la pelouse du jardin de nos amis. Des sweat-shirts en guise de poteaux, un ballon de plage en plastique et le tour est joué. J'ai un souvenir très fort, je devais avoir dans les âges de mon grand, une dizaine d'années, chez un de mes cousins: Nous jouons au foot, mon père, mes oncles et nous, la marmaille, les cousins. "Il en faut peu pour être heureux" comme dit la chanson pourtant ce "peu" là est suffisamment rare pour que l'on s'en rappelle. Ce "peu" là où on sent que le monde qui nous entoure est harmonieux, limpide, transparent, où l'on sent que le temps d'une partie de ballons ronds, chacun s'oublie... On a laissé aux vestiaires les soucis de santé, la monotonie d'un job peu gratifiant, l'emprunt sur trente ans, le prix de l'essence en constante augmentation, les travaux de la maison qui n'avancent pas... On n'est pas là pour gagner une coupe, une médaille, une place sur un podium. Non, on est juste là pour les amis, les enfants, les rires, le jeu, la vie.
En cet instant, un écureuil grimpe sur le toit en fibro de la grange, s'approche de la fenêtre de la chambre où je suis en train d'écrire, me regarde droit dans les yeux et me lance d'une douce et faible voix lointaine: "Ce que vous écrivez est étonnamment juste et pertinent jeune homme ("oui, il est sympathique mais quelque peu précieux cet écureuil, j'ai déjà eu affaire à lui à plusieurs reprises, question de pratique...") mais permettez que j'ajoute quelques mots: Si l'on se donne la peine de se retourner sur le chemin parcouru, combien sont-ils ces instants volés au quotidien où l'homme est pleinement lui-même? Chaque jour en effet se devrait d'apporter son lot d'heures lumineuses, de minutes précieuses, de secondes rares... ("précieux et lyrique, un poème!!!") Mais voilà, nous vivons un monde inconscient, violent et tapageur et le bonheur est indécent!!! On le garde pour soi, on peine à se l'offrir, on freine à le partager ("et philosophe avec ça, une merveille!!!")". Là-dessus, le petit animal se tait, ronge négligemment ses griffes, balaie l'air de sa splendide queue rousse puis s'en retourne dans les bois.
La Genétouze donc, son abbaye en granit du XIème siècle fondée par Richard Coeur de Lion, sa troupe de théâtre, son miracle de Sainte Radegonde et ses eaux thermales (ne cherchez pas, il n'y en a pas!!!), on s'en fout en fait.
Pour Noé, mon grand, La Genétouze, c'est une partie de foot ensoleillée, adultes contre enfants, à tout jamais.